Qui a dit qu’un cynique désignait systématiquement quelqu’un de désagréable ? Car il est des personnages qui par leur scepticisme et leur cynisme dégagent un charisme énorme. Citons par exemple, Sherlock Holmes, connu certes pour son intelligence, mais aussi pour sa capacité à agacer ses interlocuteurs. Ainsi, son sens de la répartie et son mépris des autres en fait malgré tout, un personnage amusant, voire sympathique. Peut-être est-ce sa franchise qui fait écho en nous… il n’est pas donné à tous de pouvoir faire preuve de candeur et sincérité. Que céderions-nous pour pouvoir toujours être franc?
Quoiqu’il en soit, lorsque l’on parle de traits d’esprit et de désinvolture, on se doit de mentionner sa figure de proue, d’une époque bien plus reculée: Diogène de Synope. Car il faut savoir que le Cynisme avec un grand C trouve ses origines dans une école philosophique du même nom, à savoir l’école cynique. Ce n’est donc pas qu’une simple attitude négative et sarcastique, vis à vis de son prochain et de la société, comme l’est son usage actuel, mais une véritable philosophie qui prône la vertu et la sagesse.
Philosophe admiré pour sa verve et sa droiture, Diogène le chien, était surnommé ainsi car il vivait dehors. Il dormait dans une amphore avec pour seules possessions, son manteau et son bâton, et se contentait de demander l’aumône pour manger.
Un jour qu’il était dans une rue d’Athènes, en train de manger des lentilles, met réservé aux plus pauvres, il fut aperçu par le riche philosophe Aristippe. Celui-ci qui menait une existence confortable lui dit:
“Si tu apprenais à flatter le roi, tu n’en serais pas à te contenter de lentilles.”
Diogène lui répondit:
“Si tu avais appris à te contenter de lentilles, tu n’aurais pas à te courber devant le roi.”
Cette anecdote réécrite mainte fois au cours des siècles, est par delà toutes ses versions, aujourd’hui toujours d’une pertinence insolente.
Ce philosophe, allégorie de l’indépendance, la sagacité et l’effronterie, semble nous moquer, nous qui sommes pareils à Aristippe. Engoncés dans notre confort, nous sommes comme des parangons de l’hypocrisie face au monde qui nous entoure. Oh non, nous ne voulons pas de lentilles, mais plutôt, des mets fins et délicats, symboles de richesse et d’opulence.
Seulement, que donnons-nous en échange de cette abondance?
Aveugles à notre condition, jamais pareille civilisation ne fut constituée d’autant de privilégiés. Et s’il est un temps pour grandir et accomplir, c’est le nôtre.
Diogène refusa le dictat d’une société qui symbolisait mensonges et enchaînait les hommes. Sans embrasser la voie de la mendicité, nous avons cependant l’opportunité, de refuser. Et la première étape vers ce refus, est d’être libre de penser, dire et agir sans soucis du jugement, sans peur des conséquences.
Soyons nous-mêmes, soyons honnêtes et peut-être devrions-nous devenir un peu cyniques aussi…
“Quant on est jeune, il est trop tôt ; quant on est vieux, il est trop tard. ”
Diogène de Synope